Le droit d’alerte du CSE : Quand l’employeur doit-il transmettre des informations sur les salariés travaillant auprès d’entreprises tierces ?

Audits sociaux / Compliance
Droit pénal du travail
Relations collectives de travail
Stratégie sociale
09 Août 2024

Le droit d’alerte CSE est un mécanisme essentiel qui permet aux représentants du personnel d’agir lorsqu’ils estiment qu’une situation constitue un danger grave et imminent pour la santé, la sécurité ou les conditions de travail des salariés. Mais ce droit ne se limite pas seulement à des alertes sur les dangers physiques. Il concerne également la transmission d’informations importantes, notamment celles relatives aux salariés travaillant auprès d’entreprises tierces.

Dans cet article, nous aborderons une question cruciale pour le CSE : peut-il solliciter de l’employeur la transmission d’une liste nominative des salariés travaillant sur des sites clients ou en dehors de l’entreprise ? Ce sujet touche à l’équilibre entre les prérogatives des représentants du personnel et le droit de l’employeur à la confidentialité des informations.

Le droit du CSE à l’information : Un équilibre délicat

Il est acquis que le CSE dispose d’un droit d’information dans le cadre des relations collectives de travail pour mener à bien ses missions de représentation des salariés, y compris concernant les réclamations individuelles et collectives. Ce droit comprend, dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, la possibilité pour les représentants du personnel de circuler librement dans l’entreprise, et d’obtenir des informations sur l’implantation des chantiers, ainsi que sur les effectifs et les horaires des salariés travaillant hors de l’entreprise.

Cependant, la situation devient plus complexe lorsque les travailleurs sont envoyés dans des entreprises tierces, sur des chantiers ou dans des unités dispersées. Les employeurs peuvent parfois refuser de transmettre certaines informations, invoquant la confidentialité ou d’autres raisons légales. C’est dans ce contexte que le droit d’alerte CSE prend tout son sens, permettant au comité de demander des informations essentielles pour garantir la sécurité et les conditions de travail des salariés.

Le cas précis du refus de transmission d’informations : Que dit la jurisprudence ?

La jurisprudence a récemment précisé cette question avec un arrêt de la Cour de cassation du 27 novembre 2024. Dans cette décision, la Cour a jugé que le refus de l’employeur de fournir une liste nominative des travailleurs par site client, avec leurs lieux d’intervention, ne constituait pas un trouble manifestement illicite. Par conséquent, cela ne justifiait pas une saisine de la juridiction des référés.

La Cour a souligné que les membres du CSE disposaient déjà de la liste des sites d’intervention des salariés relevant de leur périmètre, ainsi que du nombre de salariés présents sur ces sites. De plus, les représentants du personnel pouvaient contacter les salariés via leur messagerie professionnelle, leur permettant ainsi de prendre contact avec eux si nécessaire. Cela soulève la question de savoir jusqu’où le droit d’alerte CSE doit s’étendre en matière d’accès à l’information.

L’impact du droit d’alerte CSE sur les pratiques des employeurs

La décision de la Cour de cassation illustre la complexité de la situation : bien que le CSE ait des droits d’information, ceux-ci sont limités par les moyens mis à disposition par l’employeur. L’employeur doit respecter le droit d’alerte du CSE sans pour autant être contraint de transmettre des informations excessives ou non pertinentes. L’équilibre entre la protection des droits des représentants du personnel et les obligations de l’employeur en matière de respect de la confidentialité.

Vers un renforcement du droit d’alerte CSE ?

La question est maintenant entre les mains de la Cour d’appel, qui devra déterminer si ce refus d’accès aux informations constitue un délit d’entrave aux fonctions des représentants du personnel. Cette évolution jurisprudentielle pourrait avoir un impact sur la manière dont les employeurs devront collaborer avec le CSE, notamment dans des secteurs où des salariés travaillent régulièrement pour des entreprises tierces ou sur des sites clients.

Conclusion : Une question d’équilibre entre droits et obligations

Le droit d’alerte CSE continue d’évoluer à travers les décisions de justice, notamment en matière de transmission d’informations. Tandis que le CSE a pour mission de protéger les intérêts des salariés, en particulier sur les questions de sécurité et de conditions de travail, l’employeur dispose de son côté de certaines obligations de confidentialité et de gestion des informations.

Les employeurs doivent ainsi veiller à respecter le droit d’alerte CSE, tout en trouvant un juste équilibre entre transparence et protection des données. Pour les représentants du personnel, ce droit est fondamental pour exercer leurs missions de manière efficace et garantir un environnement de travail sûr pour tous les salariés.

Référence : Cass. soc. 27 novembre 2024, n° 22-22.145.

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Article rédigé par Versant Avocats

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